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Avant que les résultats ne prennent une fois encore tout le monde de court par leur clarté, le monde entier a retenu son souffle, à l’occasion des élections américaines. Les sondages d’avant-scrutin avaient prédit, jusqu’à la dernière minute, des scores extrêmement voisins entre le vainqueur Donald Trump et Kamala Harris, perturbés, sans doute, par la complexité d’un système électoral ancien qui n’aide pas à se faire une idée correcte des rapports de force. Pour la dramaturgie, c’était parfait : les sondages confirmant, jour après jour, l’inquiétude et la fièvre provoquées par cet équilibre des scores. Or, des études montrent que ces matchs quasi nuls tendent à se reproduire de plus en plus souvent dans les démocraties modernes.
Dans une étude publiée en avril, des physiciens montrent que l’explication de ce phénomène pourrait bien se trouver dans le fait que le thermomètre des sondages semble contribuer à la fièvre qu’il mesure, en influençant de façon insidieuse les choix du corps électoral. « La belle affaire ! », serait-on tenté de dire, tant il semble évident que le matraquage sondagier en période électorale modifie le processus dans son ensemble.
L’originalité de ce travail, qui s’abstrait totalement des contingences de telle ou telle élection, est de montrer que la simple existence de sondages fiables en période électorale est susceptible de faire dériver les rapports de force, pour peu qu’une dose infime d’hostilité aux opinions majoritaires existe en chacun de nous.
Les chercheurs ont considéré un modèle bien connu d’interactions sociales inspiré de la physique des systèmes magnétiques où le choix (binaire) d’un vote est influencé par deux « forces sociales » différentes. La décision de chacun résulte d’une compétition entre, d’une part, l’influence des proches, qui tend à modifier notre opinion pour adopter celle des personnes qui comptent pour nous, et, d’autre part, celle de facteurs plus endogènes, qui peuvent être notre histoire personnelle, nos lectures, notre sensibilité, et qui constituent en quelque sorte une opinion a priori.
Ce modèle a beaucoup été utilisé dans le passé et s’est révélé capable de prédire certaines tendances observées dans les sociétés démocratiques. Les auteurs ont ajouté à cette compétition, entre le libre arbitre et une forme d’instinct grégaire, une très légère tendance à penser contre l’avis général, pour peu que celui-ci n’émane pas d’une personne, mais d’une mesure « objective » de l’opinion. Ceci a certainement une valeur sociologique relative, mais dans le contexte de sociétés en proie à une certaine fatigue démocratique, ce tropisme répulsif affiche, au moins en apparence, une certaine cohérence.
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